Pourquoi vous êtes-vous engagée dans cette voie ? Elena Bazarkina : J’étudie les processus de transport des métaux par des fluides hydrothermaux. Ceux qui ont un intérêt économique, comme l’or, le zinc, le cuivre. J’essaie de comprendre comment ils sont transportés par des solutions aqueuses, comment se forme un gisement. J’ai fait plusieurs stages de terrain dans des provinces métallogéniques, et la Russie offre de ce point de vue, des possibilités uniques, mais c’est l’expérimentation qui m’a attirée. Je trouvais très excitant de pouvoir reproduire, en laboratoire, des conditions extrêmes où l’on peut contrôler les différents paramètres comme la température et la pression, qui gouvernent les concentrations des métaux et leur précipitation. On crée des modèles pour comprendre le fonctionnement des processus métallifères profonds dans la croûte terrestre qui ne peuvent pas être observés directement ! (grand sourire)
Pourquoi êtes-vous venue en France ? Elena Bazarkina : J’ai eu la chance de faire ma thèse sous la direction d’Alexandre ZOTOV et Gleb POKROVSKI, deux directeurs de thèse qui ont développé de nombreuses relations entre la France et la Russie. Ils ont beaucoup investi dans la création du laboratoire européen associé LEAGE qui m’a donné la possibilité de faire ma thèse en co-tutelle franco-russe. J’ai été très contente de cette expérience de travail à l’étranger et de rencontre avec des scientifiques français mondialement reconnus. En 2009, j’ai soutenu ma thèse à l’Université de Toulouse III, pour obtenir le titre de Docteur en Sciences de la Terre et des Planètes Solides. Et en 2010, je suis devenue Docteur en Sciences géologiques et minéralogiques de l’Académie des Sciences de Russie.
Quelles différences avez-vous constatées entre le « système » de recherche français et le « système » russe ? Elena Bazarkina : Bien sûr, il y a de nombreuses similitudes, comme apprendre à poser les questions scientifiques, organiser les études pour y répondre, savoir présenter ses résultats, écrire des articles et projets scientifiques, c’est identique dans les deux pays. Ce sont surtout les approches et la culture qui différent. Dans mon domaine de recherche, les expériences sont complexes, et pour les interpréter, il faut plusieurs méthodes d’analyse et de mesure complémentaires. En Russie, j’utilisais le potentiomètre et les mesures de solubilité, et à Toulouse, j’ai pu utiliser la spectroscopie d’absorption des rayons X. C’est très important de pouvoir fusionner les résultats et observations obtenues par des approches différentes. Et puis, il y a des différences qui ont des conséquences sur les collaborations internationales : en France il est plus facile d’entrer en collaboration avec « le monde », alors qu’en Russie c’est possible mais plus compliqué à cause d’une lourdeur administrative et parce que les financements internationaux sont plus difficiles à obtenir. Et puis le système de financement des thésards est différent : le salaire de base d’un thésard est beaucoup plus élevé en France et beaucoup plus « sûr ». En Russie je ne savais jamais quel serait mon salaire l’année à venir !
Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec GeoRessources ? Elena Bazarkina : Parce qu’on y développe une autre approche expérimentale très puissante : la spectroscopie RAMAN. C’est un très bon outil pour étudier les conditions extrêmes, celles qui me plaisent beaucoup (sourire) ! Et à GeoRessources il y a de très bons spécialistes qui savent se servir de l’outil. Je m’intéresse beaucoup aux propriétés de l’hydrogène dans les fluides hydrothermaux. A Moscou je peux mesurer la fugacité de l’hydrogène. A Nancy j’étudie les interactions de l’hydrogène avec des solutions aqueuses à l’échelle moléculaire grâce à la spectroscopie Raman. Ce sont deux techniques complémentaires. Je travaille sur le comportement des gaz, on est loin des métaux, mais proche de mes études et ça m’aide à comprendre la formation des gisements métallifères. Et puis j’apprécie beaucoup l’ambiance du laboratoire, les personnes avec lesquelles je travaille, autour de Jean DUBESSY.
Quels sont vos projets ? Elena Bazarkina : J’ai un poste permanent de chargée de recherche à l’IGEM1 à Moscou et je viens très régulièrement à Nancy pour avoir accès à la spectroscopie Raman. Je continue à collaborer avec l’Université de Toulouse et je travaille aussi avec mes collègues à l’ESRF2 à Grenoble. Mais j’ai envie de venir m’installer à Nancy. Pour ma vie privée, mais aussi pour ma carrière scientifique. Cette année GeoRessources et l’IGEM vont signer un accord de collaboration qui sera très enrichissant pour les deux laboratoires. J’ai envie de vivre cette aventure, tout en gardant de bonnes relations avec mes collègues géologues de terrain en Russie, avoir la possibilité de faire des expériences sur les équipements et avec les spécialistes qui savent faire, ici et là-bas. Au lieu d’acheter chacun des équipements qui coûtent cher, on peut les partager. Et puis échanger avec des spécialistes qui posent les questions différemment, c’est un grand avantage. Je pense que le futur pour la science, c’est la collaboration, les échanges !
1 IGEM : Institut de Géologie, pétrographie, minéralogie et géochimie des gisements de métaux de l’Académie des Sciences de Russie 2 ESRF : European Synchrotron Radiation Facility
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Elena BAZARKINA
32 ans
Docteur en sciences géologiques et minéralogiques
Académie des Sciences de Russie
- 2004 : Diplôme de 4e année universitaire de l’Université de Prospection Géologie Sergo Ordgonikidze
Mention excellente
- 2005 : Lauréate de la bourse décernée par la Chaire de Géochimie de l’Université d’Etat de Moscou pour le meilleur travail de recherche en Master
- 2006 : Diplôme d’Etudes Supérieures en Géologie de l’Université d’Etat Lomonosov de Moscou
Mention excellente
- 2008 : Lauréate de la bourse décernée par la « Nation Science Support Foundation » de l’Académie des Sciences de Russie, la société « Rusal » et la compagnie « Gazprom neft » pour le meilleur travail de recherche en Doctorat
- 2011 : Lauréate du programme « Primes du Président de la Fédération de Russie pour le soutien aux Jeunes Chercheurs »
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